Publié sur Huffpost Maghreb
On ne peut plus se voiler la face. Les femmes sont bien discriminées au nom de certaines croyances religieuses. Subir cette discrimination n’est pas une fatalité. Se soumettre à la misogynie des textes dits religieux est tout simplement contre le principe de l’islam qui prône la dignité de tout être vivant, qu’il soit mâle ou femelle.
La stigmatisation de la femme dans des discours qui se proclament religieux contribue à éterniser ce regard hautain envers les femmes qui perdure depuis des siècles. La jurisprudence des trois religions monothéistes, le judaïsme, le christianisme ainsi que l’islam, a été confiée exclusivement aux hommes. Des interprétations purement masculines ont été donc établies puis héritées à travers ces croyances jusqu’à nos jours. Les règles existantes dans les textes islamiques autour de l’héritage, la polygamie ou le voile sont autant d’exemples qui réduisent le statut de la femme face à celui de l’homme. Ces interprétations, parfois en totale contradiction avec le message divin, sont devenues des règles sacrées et indiscutables dont la remise en cause pourrait constituer un sacrilège aux yeux des fanatiques.
Des discours religieux représentent souvent la foi sous une forme duale partagée entre les permis et les interdits, les fidèles et les incroyants, le paradis et l’enfer, ponctuée par des affirmations d’une vérité absolue. La vacuité morale n’est pas à démontrer et l’essence spirituelle du message divin s’éclipse devant des rituels mécaniques et répétitifs se focalisant plutôt sur les apparences et les préjugés.
Le texte religieux islamique est aujourd’hui composé entre autres des lois établies par des hommes en dehors du Coran. Ce dernier est chanté et appris par cœur sans que ses versets soient passés à la loupe pour méditation. Analyser directement le script coranique est en effet conditionné par son interprétation à travers des exégèses considérées comme “compléments” au texte divin. Sans ces exégèses, toute interprétation directe et moderne risque de se voir rejetée ou même accusée de provoquer un certain schisme entre les croyants.
L’implication des femmes dans la jurisprudence religieuse est donc une nécessité pour équilibrer la vision humaine de ces textes insérés dans le référentiel religieux. Cependant, le premier défi est d’abord la prise de conscience de la non sacralité de ces textes. Un retour rationnel au Livre est la clé d’ouverture des esprits fermés dans des croyances considérées comme des vérités absolues. Des femmes peuvent donc bien être présentes dans le champ religieux, mais sans ce discernement entre la tradition et la religion elles risqueraient de contribuer à perpétuer cette suprématie masculine au nom d’une foi religieuse et de porter ainsi un préjudice supplémentaire au statut de la femme dans les sociétés croyantes.
Entre faire usage d’une pensée rationnelle ou opter pour une foi aveugle, l’être humain n’a nul besoin de demander la permission à quiconque pour exploiter sa raison et revoir ainsi sa foi… heureusement.
excellent point de vue
La tâche la plus délicate pour la pensée théologique est de savoir prêcher en dehors de son église, chose – il est fort de le constater- qu’elle ne sait plus trop faire.
Pour l’islam cet état semble être le corollaire de plusieurs siècles d’une dogmatisation solidifié par les générations successives de méthodologies utilisées dans la transcription « masculine » de l’interprétation mahométane du coran et dont la plus probante, et grandement remise en question ces derniers temps, reste le « sa7i7 d’Al-boukhari » qui fait tout de même preuve d’un rationalisme pointu dans le processus d’authentification du discours mahométan quant à l’interprétation des textes religieux en nécessitant une, car tous ne sont pas sujets à caution.
Dès lors l’exercice se trouve être ardu tant beaucoup commettent l’erreur du doctus cum libro, qu’ils puisent leurs argument dans le rationalisme pur et dur ou dans le dogmatisme de l’acceptation « surnaturelle » du texte religieux.
S’en prendre à la méthode et au discours interprétatif est une chose s’en prendre au texte lui-même en est une tout autre ramenant très souvent toute l’intention égalitaire au stade de son expression « athéiste » pure et dure.
LikeLiked by 1 person
Et si ce Livre invite à remettre en cause sa propre foi en continue et sans se gêner? En tout cas c’est la conclusion tirée de l’histoire d’Abraham qui n’hésitait pas à exiger des preuves théistes pour avoir une conscience tranquille. La voie d’Abraham y est présentée comme étant le meilleur modèle à suivre pour une croyance rationnelle insoumise aux traditions.
Concernant “Sahih Al Bukhari”, le processus d’authentification basé sur une évaluation subjective des profils des narrateurs est loin d’être rationnel…
LikeLike
Si ce livre invite à remettre en cause sa propre foi dis-tu…
Pour sûr qu’il nous y invite. C’est d’ailleurs ce que le prophète (saw) s’est évertué à enseigner durant toute sa vie. Appréhender le rite comme une contrainte venant d’un système religieux, c’est nier la liberté de conscience de celles et ceux qui décident de pratiquer en fonction de critères personnels autonomes. Cela conduit à une négation de l’altérité avec toutes les fâcheuses conséquences comportementales, or « Lâ ikraha fî dîn). » (Coran, II, 256)
D’ailleurs j’avais moi-même écrit, il y a une dizaine d’années, un article dans ce sens que tu pourras lire ici si tu as un peu de temps
http://ecrits-vains.com/rives_francophonie/benslimane18.htm
Sinon pour le sa7i7 boukhari, pour le peu que j’en sache, sa méthodologie consistait justement à éviter la subjectivité dans le répertoriage des paroles du prophète par un épurage consistant en une corroboration de sources multiples. C’est un travail colossal qu’on ne peut venir contester, en se grattant le derrière, par des à priori et des « je pense que » et surtout sans une méthodologie encore plus rigoureuse permettant d’éviter aussi la subjectivité dans la remise en question. Toujours est-il que certains hadiths du prophète n’ont pas pour origine une motivation théologique mais seulement une expression sociétale d’un homme de son époque incarnant également les travers d’un héritage culturel païen.
Ceci dit la critique du sahih n’a jamais été perçue comme une hérésie, et tous les savants islamiques s’accordent sur la valeur scientifique et non sacrée de l’ouvrage. On peut et on doit même continuer à faire preuve d’esprit critique tant que celui-ci applique une argumentation basée sur la maîtrise des règles, des fondements et de l’exégèse, choses que personnellement, et en dehors de la seule logique, je suis loin de posséder pour prétendre m’aventurer dans l’exercice d’une remise en question autant pédante que hasardeuse.
Pour en revenir au sujet de ton billet c’est sûr que la misogynie est présente dans la construction des lois régissant la cité « islamique », plus par récurrence d’un système sociétal patriarcal que par essence religieuse censée l’adoucir. Maintenant jusqu’à quand durera cette mainmise de l’homme dans l’accaparation de l’ecclésiastique, il est fort probable que toi et moi nous nous éteindrons sans prières avant de voir l’avènement de cette ère égalitaire.
un plaisir de te lire
bonne journée
kb ou jb ou mzabi 🙂
LikeLiked by 1 person
“Un discours qui enferme l’Islam dans le “carcan” de l’histoire, ..”
La religion telle qu’elle est présentée actuellement pourrait en effet être vue comme une compilation de règles issues de textes/narrations historiques. En l’occurrence, Sahih Bukhari serait un livre de l’histoire racontée par les puissants de l’époque. A noter que L’Histoire elle-même ne peut être considérée comme science dans le sens épistémologique. S’attribuer le label “scientifique” par nos théologiens est à revoir et cette aura artificielle autour de ce livre de Bukhari sera vite dissipée si on se penche de près sur les conséquences désastreuses de ses textes.
Le livre “Les Fondations De L’islam entre Écriture et Histoire” pourrait t’intéresser.. Il s’agit d’une analyse objective et neutre du contexte politique et commercial dans lequel ces textes dits religieux ont vu le jour.
Concernant le statut de la femme dans ces textes, le défi majeur est la prise de conscience de cet état. Actuellement, on peut dire que notre société ne sait pas qu’elle ne sait pas. Faisons en sorte au moins qu’elle le sache …
LikeLiked by 1 person
Sur le fond nous sommes à peu près d’accord mis à part cette petite divergence au sujet du statut « scientifique » que tu considères être « usurpé » allègrement par de nombreux théologiens, et non des moindres, qui ont validé cette notion durant près de 1200 ans. Cela renvoie dans les cordes du nain de jardin, con et macho de surcroît, toute une cohorte d’éminents penseurs s’appuyant sur ces textes, et leurs conséquences « désastreuses », pour bâtir leurs courants de pensée. Je veux bien douter mais disons que suis encore plus circonspect dans mon doute 🙂
LikeLiked by 1 person